lundi 7 juillet 2008

Cherbourg : tour de France

« Le Tour c'est le 14 juillet tous les jours »

Daniel Mangeas, fidèle à son poste, lors des récents championnats de France à Semur-en-Auxois.  Daniel Mangeas, fidèle à son poste, lors des récents championnats de France à Semur-en-Auxois.

Daniel Mangeas est la voix de la Grande boucle. Depuis trente-cinq ans,

le petit gars de la Manche en a sous le coude sur son podium.

Entretien

Comment va votre voix ?

Comme jamais. Je sors du Dauphiné Libéré, de la Route du Sud et du Championnat de France, je la sens bien placée, affûtée. Mon médecin ORL m'a dit « Vous êtes le Rocco Siffredi des cordes vocales ». Il voulait dire que j'ai vraiment un bel organe.

Vous n'avez jamais été aphone ?

Si, une fois. Lors des adieux de Bernard Hinault dans les Côtes-d'Armor. Là, tout à coup, plus rien : l'émotion sans doute. Sinon, ma voix ne m'a jamais fait le coup de la panne. Et, pourtant, je la sollicite. À cinq ans, avec un tube d'aspirine en guise de micro, je commentais des courses imaginaires. Je n'ai jamais cessé. Vous vous rendez compte ? Je suis un de ces vernis qui font le métier dont ils rêvaient à cinq ans !

Pourtant, c'était mal parti...

Plutôt oui, ma mère, en regardant mes mains m'avait dit : tu ne feras jamais un bon ouvrier maçon. Car, dans la famille, on est du bâtiment. Alors, je suis devenu apprenti boulanger à 14 ans. À 17 ans, j'ai trouvé une place à Paris. Je n'avais jamais pris le train. Chez nous, les voyages, on les faisait en écoutant la radio. Du poste, sortait la voix de Georges Briquet qui me faisait rêver. Petit, j'avais deux passions : le vélo et mon village de Saint-Martin-de-Landelles. J'étais fier quand je voyais le nom de Saint-Martin écrit dans Ouest-France.

Fier, toujours ?

Toujours. En 2002, j'ai un peu contribué à faire partir une étape d'ici. Une apothéose. J'aurais pu commenter l'étape de mon canapé, en pantoufles. Même le New York Times a parlé ce jour-là de Saint-Martin. Oui, je l'aime mon village. Tout est parti d'ici. Et tout y finira, je le pense. Je suis à tout jamais un petit gars de Saint-Martin.

Vous avez combien d'étapes au compteur ?

Oh, la, la... Plus de 700. Et sans en rater une. Notez que je n'ai jamais suivi une étape non plus. Moi, je suis au départ à 8 h 30, je présente les coureurs. Et puis je file vers la ligne d'arrivée. Je prends la course à 80 km de l'arrivée et c'est parti pour deux heures. Pour le Tour, je n'ai pas de secret : tout à l'eau claire, levé de bonne heure, gavé de presse écrite, couché à 22 h 30. Une vie de moine.

Vous semblez incollable...

Je le suis presque. Pourtant, je n'ai qu'un pense-bête et le profil de l'étape. Pour les coureurs, je connais effectivement leur palmarès, leur histoire, leur style. En fait, j'ai une mémoire affective. Je ne retiens pas le palmarès des courses mais celui des cyclistes.

Vous êtes toujours sous le charme ?

Comment ne pas l'être ? C'est le plus grand spectacle gratuit du monde. Les images du Tour sont diffusées dans 185 pays. Le ministère du Tourisme de la France, c'est le Tour. Quel autre dépliant nous fait faire le tour du pays à quarante de moyenne ? Avec lui, on apprend la géographie, l'histoire et aussi, reconnaissons-le, le vélo. Et puis, on voit des foules. Des foules de gens qui baignent dans le bonheur, qui pique-niquent, qui fraternisent. Le Tour de France, c'est le 14 juillet tous les jours. Le monde entier nous l'envie. Les autres sports nous régalent moins. Prenez une finale de l'Euro de foot. Vous voyez quoi ? Un stade. Rien qu'un stade.

Pourtant, ce sport a été secoué...

Oui. Plus qu'aucun autre, il est soumis à des contrôles sanguins, capillaires, urinaires. Moi, ce que je constate c'est que c'est un sport qu'on ne ménage pas. Parce qu'il est populaire et provincial.

Provincial ?

Oui, c'est le sport des provinces et c'est pour cela qu'il est beau. Qu'il s'est enraciné aussi profondément. Moi, je lis les journaux de Paris. Et je lis des résultats sur d'obscurs tournois de tennis qui se jouent à l'autre bout du monde. Et souvent pas une ligne sur le résultat de Plouay où un peloton a couru devant 200 000 personnes. Vous trouvez ça juste ? Moi, pas trop. Mais ce n'est pas grave. Après tout, la province c'est bien plus grand que Paris.

Recueilli par

François SIMON.

Ouest-France

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